Julien Legros: "Au poker, il n’y a pas qu’un chemin pour gagner"
Nouveau membre de l'Ecole Française de Poker, Julien Legros vit du poker depuis 4 ans. Ce joueur professionnel de 28 ans a excellé sur internet avant de franchir le pas en live il y a un an, avec une belle 18e place de l'European Poker Tour de San Remo, en avril dernier. Sa montée en puissance est notamment soutenue par son ancien "élève", Tristan Clémençon, le prodige du poker français.
Julien, racontez-nous votre parcours jusqu'au poker ?
J’ai fait des études d’économie, mais sans réel objectif professionnel. Après avoir atteint un DEA à Bordeaux, j’ai décidé de partir à Montréal avec mon amie, fin 2005, pendant un an. C’est à ce moment que j’ai découvert le poker, comme tout le monde, grâce à Patrick Bruel et le World Poker Tour sur Canal +. J’ai commencé avec des amis, sans argent, avant de passer sur internet. C’est d’ailleurs pour cette raison que mon pseudo est "
Kariboo86", en référence à la Vienne, puisque je suis originaire de Poitiers.
A partir de quel moment le poker est devenu votre métier ?
On m’avait dit que ça pouvait être rentable. Et effectivement, ça l’a été… J’ai rapidement compris que c’était plus qu’un jeu. Au début, je jouais quelques euros en cash game et des Sit&Go à 5 euros. J’ai construit une bankroll qui m’a permis de remporter 200 puis 500 dollars en tournoi. Je me suis alors donné 2-3 mois pour voir si je pouvais tenir la cadence. En fait, j’ai pris 5-6 mois pour jouer un poker vraiment gagnant.
Quels sont vos plus accomplissements ?
En avril dernier, j’ai réalisé ma première grande performance en live, lors de l’EPT de San Remo, en finissant 18e (pour 26 300 euros de gains, ndlr). C’est surtout online que j’ai connu mes heures de gloire, notamment en gagnant plusieurs fois le tournoi à 50 euros de buy-in sur Winamax. Cela m’a notamment permis d’être très bien classé sur le site PocketFives.com (qui fait le classement des meilleurs joueurs sur internet, ndlr).
"Il n’y a pas 36 Tristan Clémençon"
Quelles sont vos ambitions ?
Evidemment, en live, j’espère faire une table finale. Rien que pour l’expérience et la notoriété. J’ai longtemps hésité avant de passer en dur car c’est un autre monde. Il y a des grosses sommes en jeu et le comportement autour de la table est différent. Mais à un moment donné, quand on réalise de bons résultats sur internet, on est obligé de se frotter au circuit live. Je vais essayer de jouer le maximum de tournois, même si je dois encore passer par les qualifications pour ne pas trop dépenser.
Vous avez intégré l’Ecole Française de Poker en tant que professeur. Avez-vous l’âme d’un pédagogue ?
Je vais essayer. Je discute avec des amis et pense pouvoir bien expliquer certains coups de poker. Après, le poker n’est pas une science exacte, il n’y a pas qu’un chemin pour gagner.
Vous avez notamment "coaché" Tristan Clémençon, le prodige du poker français sponsorisé par Winamax…
Oui, on peut dire qu’il s’est mis au poker grâce à moi. J’étais à la fac avec son grand frère et il a entendu parler que l’on pouvait vivre du poker. Il m’a regardé faire, a appris dans son coin et on a ensuite échangé. Cela nous a permis de progresser ensemble. Aujourd’hui, l’élève a dépassé le maître.
"Les MTT, du poker de tournoi"
Etes-vous surpris par sa réussite ?
Non, car il a un don pour le poker. Je suis fier de son extraordinaire progression. C’est une personne d’exception. Il n’y a pas 36 Tristan. Il est jeune, a du talent et n’a pas froid aux yeux. Il a emmagasiné énormément de confiance puisqu’il a toujours connu le succès depuis qu’il s'est mis au poker après le bac.
Quelle place doit avoir l’enseignement dans le poker ?
On peut apprendre à jouer au poker tout seul, mais poursuivre son apprentissage grâce aux autres. On peut prendre des cours, lire des livres, discuter avec d’autres joueurs du même niveau. C’est ce que j’ai fait, en lisant notamment Poker Cadillac de François Montmirel, des ouvrages de Dan Harrington et en parcourant les forums. C’est essentiel pour la progression.
Vous êtes spécialiste des MTT (Tournoi multi-tables). Quels sont les ingrédients de cette réussite ?
Je suis spécialiste dans cette discipline en multitabling (en jouant plusieurs tables en même temps, ndlr). Au début, je faisais seulement des Sit&Go (des tournois à maximum 10 joueurs, ndlr), mais j’ai appris à aimer les MTT. C’est du poker de tournoi, puisque le nombre d’engagés est important, parfois jusqu’à 1 000. Au début, la stratégie est un peu automatique, puisqu’il faut attendre que des joueurs se fassent éliminer. On a le temps pour les bons spots (les bonnes situations, ndlr). On a besoin de plus de patience et d’une meilleure lecture de ses adversaires par rapport aux Sit&Go. Il faut être capable de tenir 6-8 heures. Quand cela ne tourne pas bien, on peut être déçu d’avoir passé autant de temps pour rien. Mais quand on gagne, c’est un joli pactole. C’est la forme de poker que je conseille puisque c’est un peu celui des grands tournois.
Reportage JDDfr